Il arrive parfois que rien ne se passe comme prévu. Vous devez rencontrer une personnalité, vous préparez vos questions, vous planifiez votre temps et puis vient le moment de la rencontre et magiquement la conversation vit sa propre vie et vous recommencer à refaire le monde. C'est ce qui nous est arrivé récemment au cours d'un récent déjeuner avec Robert Couturier, un des architectes d'intérieur de New York les plus réputé.
Ce qui nous a frappé chez lui, contrairement à l'image qu'on lui donne parfois, c'est son extraordinaire modernité. Pas cette modernité superficielle qui consiste à n'être que le miroir de la dernière mode, mais celle qui consiste à comprendre le monde dans lequel nous vivons, celui dans lequel nous allons vivre, et développer les atouts qui permettrons d'en être un acteur influent. Robert Couturier est à la fois un homme du nouveau monde tout en ayant su conserver et développer ce que l'ancien monde avait de meilleur.
Né dans une famille qui dut quitter l'Europe avant la seconde guerre mondiale pour s'installer successivement en Argentine, Jamaïque, au Canada puis aux USA il passa son enfance à Paris, dans la belle demeure de sa grand-mère, demeure dont la décoration était l'œuvre de Jean Michel Frank, un ardent partisan du moderne subtile, chic et d'une exigence de qualité souvent disparue après la guerre. Installé à New York dans les années 1980 il est devenu une des figures majeures de l'architecture d'intérieure et de la décoration non seulement sur le marché américain mais au niveau mondial.
Son style est le reflet de sa personnalité et des dimensions multiples du personnage : subtile, classique, exigeant, sophistiqué mais aussi personnel, original, curieux, ouvert aux différentes cultures, révolutionnaire, provocateur, fort et fragile. Ainsi quand on regarde ses créations on y trouve souvent des objets, meubles ou structures qui ont disparus de la grammaire de nombreux designers contemporains et des maisons qu'ils aménagent : par exemple bibliothèques, livres d'arts, rideaux et tissus. Robert Couturier est manifestement un amoureux des tissus œuvres d'art, anciens et modernes, que l'on retrouve dans leur infinie variété dans la plupart de ses créations
Et l'on retrouve là aussi quelque chose qui est constant dans son art : les objets sont authentiques et de grande qualité mais ils sont aussi choisis pour donner du relief à l'âme de la maison, vous surprendre, vous étonner et vous donner des repères. Robert Couturier a ce je ne sais quoi tellement rare qui sait donner une âme aux lieux où il a posé sa signature. Ces lieux qu'il a conçus sont bien difficilement classifiable car ils ont toujours quelque chose d'unique qui vous rappelle aussi que votre maison est aussi la signature d'un art de vivre qui est propre à son occupant.
Voyager est devenu si facile que ce n’est plus du tout un problème de travailler en Russie demain, la semaine prochaine en Amérique du Sud et ensuite en Alaska. C’est comme cela que je travaille. J’ai même prévu de travailler en Chine sans que je pense que cela va rendre mon emploi du temps plus compliqué qu’il ne l’est aujourd’hui. Je veux dire qu’aujourd’hui il arrive qu’il soit plus difficile de se rendre de New York à Southampton sur Long Island que d’aller à Paris. En fait je préfère avoir un contrat à Paris qu’à Long Island.
Quand je regarde mes clients je vois tout de suite qu'ils se considèrent comme des citoyens du monde, ils n'ont plus de frontières, les mariages sont de plus en plus transnationaux et leurs enfants ont pris l'habitude de vivre et d'apprendre dans plusieurs pays différents. Aucun ne considère sa nationalité comme la valeur fondamentale qui le définit. Aujourd'hui est apparu une culture globale. Vous savez j'ai toujours pensé que nous vivons avec le syndrome de la Tour de Babel, c'est-à-dire oscille entre des forces d'unification et des forces d'explosion et de séparation.
Je pense que le système de base est le même, par contre il y a d'importantes différences dans la mise en œuvre. Par exemple les bâtiments que nous réalisons en ce moment même sont extrêmement solides. Les murs sont en béton épais car c'est la tradition locale. Baou est une ville fascinante : C'était la seule cité au monde qui à l'époque de Zoroastre, tolérait toutes les religions. Il y avait plusieurs dieux, plusieurs religions et plusieurs rois. Quand on est à Bakou on sent cette spiritualité et on ne peut pas s'empêcher d'être mu comme on peut l'être dans les villes saintes comme Jérusalem.
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